الخميس، 30 نوفمبر 2017

Cours théorie du projet 3 lmd: Le mouvement de l’architecture moderne et la pensee rationaliste

Cours Théorie du Projet 3ème Année L.M.D - Département d’Architecture -Annaba-

LE MOUVEMENT DE L’ARCHITECTURE MODERNE ET LA PENSEE RATIONALISTE

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« Une rigueur obstinée. » Devise de Léonard de Vinci
Il peut apparaître comme une gageure d'aborder la pensée architecturale du Mouvement de l'architecture moderne en quelques lignes, d'autant que l'étiquette Mouvement moderne recouvre des discours et des réalités fort divers si ce n'est même parfois contradictoires.
Donc ces propos, ne traitent que du rapport au rationalisme, chez Gropius et Le Corbusier essentiellement, quitte à revenir sur le Mouvement moderne de façon plus générale dans lors des séances d’ateliers.
En attribuant pour but unique à l'architecture l'utilité, et en se donnant comme moyens d'y parvenir la convenance et l'économie, Jean Nicolas Louis Durand établit les bases d'une architecture fonctionnaliste que sa méthode rationaliste permet de produire facilement sur une grande échelle.
Cependant, quoique rejetant tout souci de décoration, il reste tributaire d'un ordre visuel classique. On peut dire que le Mouvement moderne reprend le fonctionnalisme rationaliste de Durand, mais avec un ordre visuel, fondé sur des volumes géométriques élémentaires. En ce sens il réalise une sorte de synthèse entre Durand et Ledoux, en y adjoignant une préoccupation très forte pour l'aspect technique de la production, ce qui est bien sûr lié au contexte du début du xx' siècle.
Les adjectifs rationaliste et fonctionnaliste sont ceux qui reviennent le plus souvent pour qualifier le Mouvement moderne. Pourquoi rationaliste?
Tout d'abord, sur le plan méthodologique, parce qu'il s'agit pour ces architectes de résoudre un problème; en l'occurrence celui de la définition d'une nouvelle architecture, tournant le dos aux présupposés académiques, adaptée aux conditions nouvelles des sociétés avancées du début du xx siècle, et destinée au plus grand nombre. Dans leur démarche, les fondateurs du Mouvement moderne se réfèrent à plus d'un titre au modèle scientifique. Pour le Bauhaus, «chaque intervention doit se proposer de résoudre de manière appropriée un problème particulier, mais doit être en même temps transmissible et cornmunicable à des tiers et servir de précédent pour d'autres interventions. On ne pourra jamais invoquer le particularisme des conditions objectives et subjectives - l'inspiration, la sensibilité - pour régler hâtivement la question; mais chaque expérience doit rester ouverte et vérifiable par tous.
Pour Gropius, il faut avoir la «capacité d'utiliser d'une manière créatrice, les résultats de la recherche scientifique et du développement technique», car la nouvelle architecture doit être «l'inévitable produit logique des conditions intellectuelles et techniques de [son] époque».
Et le parti pris pédagogique ou didactique, inlassablement affirmé par les maîtres du Bauhaus ou par Le Corbusier (suivant en cela les traces de Durand) en est inséparable. «Le grand mérite de Le Corbusier a été d'engager son talent incomparable sur le terrain de la raison et de la communication générale. Il ne s'est jamais satisfait d'inventions intéressantes et suggestives, mais les a souhaitées utiles et universellement applicables; il n'a pas voulu imposer, mais démontrer ses thèses, suivant le principe selon lequel « la rationalité est la condition indispensable pour que les idées aient prise sur le monde concret.
Lorsque Amédée Ozenfant et Le Corbusier écrivent dans L'Esprit Nouveau en 1920: «L’esprit qui préside à cette revue est celui qui anime la recherche scientifique», il ne s'agit pas d'une simple clause de style. Pour eux les temps nouveaux nécessitent l'ordre, l'exactitude, la précision, la rigueur, la pureté. En inoculant ces valeurs - propres aux sciences - à l'art, le Purisme contribuera à son évolution vers les positions d'avant-garde où il rejoindra la science.
La priori de rationalité proclamé avec tant de force doit se retrouver à tous les niveaux dans l'œuvre de l'architecte, que ce soit dans la production, la construction, l'utilisation de l'espace, ou la forme.

La rationalité dans la production

Le postulat de base du Bauhaus est la réunion de deux entités jusque-là généralement séparées: l'art et la technique. Toute la pédagogie de l'école au début de son activité vise à insérer l'artisanat dans l'industrie, en refusant la différence entre artiste et artisan. L’enseignement pratique et théorique insiste sur le travail des matériaux et sur les aspects formels (un maître artisan et un maître de dessin) pendant trois ans, avant d'aborder le cours de perfectionnement sur le projet d'architecture. Par la suite, sous l'influence de Van Doesburg, puis de Moholy-Nagy et Lissitsky, les références médiévales ou expressionnistes, le rôle accordé à l'artisanat, sont éliminés au profit de contacts privilégiés avec l'industrie. Des réalisations innovantes sur les plans technique et constructif sont développées. Le Corbusier ne tient pas un discours très différent dans Vers une architecture, lorsqu'il affirme que:
- les éléments de la nouvelle architecture peuvent déjà se reconnaître dans les produits industriels: les bateaux, les avions, les automobiles;
- les moyens de la nouvelle architecture sont les rapports qui anoblissent les matériaux bruts;
- la maison doit être construite en série, comme une machine;
- les changements des conditions économiques et techniques comportent nécessairement une révolution architecturale.
L’industrie lui fournit ainsi un modèle fonctionnel (apologie des espaces minimaux des wagons-lits' par exemple), un modèle formel et un modèle de process de production. De façon cohérente avec ces idées, il propose dès 1914 un type nouveau de maison pour la construction économique: la maison Dom-ino, puis la maison Citrohan (1920-1922) dont le nom évoque la production en série de voitures, et il avance la notion de machine à habiter.
Et si le souci de rationalité et d'économie pour la construction de l'habitat, tellement présent chez Le Corbusier, n'apparaît pas de façon aussi forte dans les travaux du Bauhaus, qui développe davantage la production d'éléments mobiliers, dans les deux cas est d'emblée posé le rapport à la machine et à la technique.

La rationalité de l'espace vécu

La structure-ossature de la maison Dom-ino ne bouleverse pas seulement le domaine de la construction; elle permet de libérer le plan - qui pour Le Corbusier reste le principe générateur - des contraintes, imposées par les murs porteurs, et permet de concevoir des plans d'étages superposés très différents les uns des autres, ainsi que des façades libres.
Dans ses cinq points d'une nouvelle architecture, Le Corbusier expose, au nom de ce qu'il juge être la raison, les principes définissant l'architecture moderne:
-la construction sur pilotis, plus rationnelle car elle libère le sol pour la circulation ou le jardin, et éloigne de l'humidité;
- les toits-jardins restituent un espace vert, ensoleillé, hygiénique, au sommet des immeubles. «Des raisons techniques, des raisons économiques, des raisons de confort et des raisons sentimentales nous conduisent à adopter le toit-terrasse» ;
- le plan libre, en rendant les étages indépendants les uns des autres, permet, toujours selon Le Corbusier, une
« grande économie de cube bâti, [un] emploi rigoureux de chaque centimètre, [une] grande économie d'argent. .. Rationalisme aisé du plan nouveau! » ;
- les fenêtres en longueur autorisent des rapports plus étroits entre l'espace intérieur et la nature extérieure. Elles aussi sont rendues possibles par les nouvelles méthodes de construction liées à l'emploi du béton armé et des structures-ossatures;
- la façade libre, placée en avant du système des poteaux, n'est plus qu'une membrane sur laquelle l'architecte peut exprimer sans obstacle sa volonté formelle.
Ce discours est non seulement révolutionnaire du point de vue conceptuel en ce qu'il fonde véritablement une architecture faisant table rase de tout ce qui se construisait auparavant, mais il l'est aussi du point de vue méthodologique, car pour la première fois il « élimine totalement les références culturalistes et philosophiques, qui étaient à l'honneur jusqu'alors dans n'importe quel programme artistique (et qui figurent, par habitude, également dans les programmes du Bauhaus)» et affirme tout simplement que la nouvelle architecture doit s'envisager ainsi et non autrement.
A peu près à la même époque, Mies van der Rohe dessine des gratte-ciel, puis projette des maisons, en employant lui aussi une structure-ossature habillée par des murs-rideaux et délimitant des espaces à plans libres. Comme Le Corbusier, il insiste sur les problèmes spécifiques soulevés par cette nouvelle conception, en particulier la question de l'articulation: 
«Beaucoup croient que le plan libre signifie liberté absolue. C'est un malentendu. Le plan libre demande autant de discipline et de compréhension de la part de l'architecte que le plan conventionnel».
Car en fait ce n'est pas de détails ou de style qu'il s'agit, comme dans les polémiques architecturales antérieures, mais de l'élaboration d'une architecture totalement différente, fondée sur un choix d'axiomes qui mettent en avant une certaine rationalité de l'espace, et dont il faut explorer les potentialités en résolvant les difficultés nouvelles qu'elle fait apparaître.

La rationalité de la forme

Les cinq principes de Le Corbusier, décrits ci-dessus, impliquent nécessairement un bouleversement dans le vocabulaire formel. Et même si la construction sur pilotis est longtemps restée la marque de la seule architecture corbuséenne, le toit-terrasse, les fenêtres en longueur et la façade libre, caractéristiques du Mouvement moderne, induisent une esthétique novatrice.
La source en est cependant plus lointaine. C'est dans la géométrie élémentaire de la tradition platonicienne que les modernes puisent leurs formes; par rejet des traditions esthétiques académiques, certes, mais aussi par souci de rationalité. Et ici aussi la référence à la science est explicite: au Bauhaus, qui «cherche à développer une esthétique objective basée sur la connaissance scientifique» en postulant que les réactions visuelles éprouvées devant un objet sont d'ordre biologique et non culturel, tout comme chez Le Corbusier.
«Opérant par le calcul, les ingénieurs usent de formes géométriques, satisfaisant nos yeux par la géométrie, et notre esprit par la mathématique»
écrit-il. Ainsi,
«inspiré par la loi d'économie et conduit par le calcul (l'ingénieur nous met en accord avec l'harmonie»
atteinte grâce aux formes primaires qui
«sont belles parce qu'elles se lisent clairement» (principe cartésien d'évidence et principe d'économie de Durand).
Aux formes sont donc attribuées ou refusées, des propriétés de rationalité, et conséquemment de beauté.
«Les cubes, les cônes, les sphères, les cylindres ou les pyramides sont les grandes formes primaires que la lumière révèle bien. C'est pour cela que ce sont de belles formes, les plus belles formes. Tout le monde est d'accord en cela, l'enfant, le sauvage et le métaphysicien».
Une autre façon d'introduire une rationalité - extérieure dans la question de la forme consiste à postuler sa dépendance par rapport à un critère comme l'utilité ou le bon fonctionnement.
«La fonction détermine la forme» aurait à peu près déclaré Sullivan. S'agit-il de cela pour les maîtres du Mouvement moderne? La réponse n'est pas facile à fournir.
- Pour Christian Norberg-Schulz, «le fonctionnalisme [ ... ] voulut retourner à une correspondance vraie de la forme et du contenu». Mais de quelle façon? Par soumission de l'un de ces deux facteurs à l'autre, ou par interdépendance possiblement conflictuelle, ou synthèse dialectique des contradictions éventuelles?
- Bruno Taut est très clair là-dessus:
1. Dans chaque édifice la première exigence est d'obtenir la meilleure utilité possible.
2. Les matériaux utilisés et le système de construction employé doivent être complètement subordonnés à cette exigence première.
3. La beauté réside dans le rapport direct entre l'édifice et l'objectif visé, dans le choix opportun des matériaux et dans l'élégance du système de construction.
4. [ ... ] Ce qui fonctionne bien se présente bien. Nous ne croyons plus qu'une chose laide fonctionne bien».
Cette dernière phrase souligne une préoccupation esthétique indéniable, mais sur le plan logique équivaut à réaffirmer une position purement fonctionnaliste (si ça fonctionne bien, c'est forcément beau). Le reste établit bien la hiérarchie qui soumet de facto le beau à l'utile.
Le Corbusier, lui, est comme souvent plus ambigu. Dans Vers une architecture, outre l'apologie des formes primaires, on trouve: «Quand une chose répond à un besoin, elle est belle» Mais plus tard, dans une polémique contre certains fonctionnalistes, il attire l'attention sur le fait que le slogan l'utile est beau est tout aussi indémontrable que son propre choix en faveur des tracés régulateurs, et il écrit:
«La fonction de beauté est indépendante de la fonction d'utilité; ce sont deux choses. Ce qui est déplaisant à l'esprit est le gaspillage; parce que le gaspillage est stupide; c'est pour cette raison que l'utilité nous plaît. Mais l'utilité n'est pas la beauté»
Ce passage paraît important d'une part pour l'accent qu'il met sur le principe d'économie au plan de l'esthétique, et surtout en tant qu'explication des recherches permanentes menées par Le Corbusier sur les tracés régulateurs, pour apporter le supplément de beauté que les seuls principes fonctionnels ne sauraient conférer aux édifices.
En fait, le recours à un certain fonctionnalisme est pour les architectes du Mouvement moderne un moyen de rationaliser, dans le sens d'objectiver, le problème de la forme. Le goût est affaire personnelle, sujette à discussion, dépendant du contexte culturel dans lequel évolue le concepteur, de la culture des utilisateurs, ainsi que de la mode. Les avantages fonctionnels eux paraissent objectifs, démontrables, et permettent de
« toucher directement la masse sans passer par le truchement d'une élite raffinée»
critère fondamental pour une architecture qui se donne comme vocation le développement de l'habitat social - même si, on le sait, Le Corbusier s'adresse uniquement aux élites, aux décideurs.
L'appartenance de l'architecte à une avant-garde radicale dans le domaine des arts plastiques ne doit pas se heurter violemment à la volonté de construire pour des millions de personnes dont l'éducation artistique resterait à faire.
Ce besoin de justifier rationnellement les choix esthétiques dépasse pourtant la question du fonctionnalisme. Je crois avoir montré, succinctement, que l'esthétique des Modernes découle aussi bien d'a priori formels de type géométrique, que de postulats fonctionnels (les cinq principes de Le Corbusier), et de critères socio-économiques et constructifs liés à une volonté d'industrialisation permettant une construction en masse qui puisse répondre aux besoins des couches défavorisées de la société. La grande réussite des fondateurs du Mouvement moderne est précisément d'être parvenus à synthétiser ces différents aspects dans la définition d'un répertoire formel superbement intéressant.
A lire :
1 Boullée, Ledoux; voir Emil KAUFMANN, Trois architectes révolutionnaires, Paris, SADG, 1978.
2 Leonardo BENEVOLO, Histoire de l'architecture moderne, Paris, Dunod, 1980.
3. Cité in Christian NORBERG-SCHULZ, La Signification dans l'architecture occidentale. Liège, Mardaga, 1977.
4. Walter GROPIUS, The New Architecture and the Bauhaus [19351, Cambridge, MIT Press, 1965.
5. OLIVIER TRIC, Conception et projet en architecture, Paris, l’Harmattan, 1999.

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